Mouvements Modernes - 20 years

13-15 rue du Mail - 75002
19 oct 2022 - 29 oct 2022
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MOUVEMENTS MODERNES FETE SES 20 ANS

 

A 20 ans, on est à peine majeur.

A 20 ans, on est beau, et quand on aime, 

c’est pour la vie.

A 20 ans, on n’est pas raisonnable 

et on prend des risques.

A 20 ans, on a la passion chevillée au corps, 

et on a l’avenir avec soi.

Retour vers le futur.

 

Mettre au pluriel un mouvement singulier : voilà bien une de ces « choses » – ainsi qu’il décrivait les objets de la pensée – qui excitaient l’esprit aventurier et hors norme de Pierre Staudenmeyer. Est-ce parce que le Mouvement moderne, né au début du 20ème s. entendait faire table rase des principes architecturaux et formels qui l’avaient précédé, que ce découvreur nomma sa nouvelle galerie « Mouvements Modernes » ? Sans doute, et probablement plus encore : pour Staudenmeyer, disparu en 2007, le design était un « art condamné à servir au quotidien », selon sa propre formule.

 

Arpenteur et précurseur, Staudenmeyer est autant galeriste que pucier, autant historien des formes qu’homme de marketing (sa formation), autant féru de psychanalyse que commissaire d’expositions, autant collectionneur que marchand. Au milieu des années 1980, années métalliques et industrielles s’il en est, il crée la galerie Néotù (Neo tout) avec son complice Gérard Dalmon, inventant au passage le « design de collection ». A contre-courant de son époque qui voit dans le « fait-main » un retour en arrière teinté de conservatisme, il va chercher des artisans, dépositaires de savoir-faire d’exception, pour réaliser des pièces qui, aujourd’hui, font indiscutablement partie du patrimoine français des arts décoratifs.

 

Les expositions chez Néotù sont toujours l’occasion de faire réfléchir le visiteur via des chocs de styles et d’époques, de proposer des agencements intelligents et audacieux : “des court-circuit de formes et de ma­tiè­res, […] conforme au désir de juxtaposition de l'existant dans un inventaire de talents[1]. On y découvre alors une foule de créateurs français et internationaux : François Bauchet, Sylvain Dubuisson, Dan Friedman, Olivier Gagnère, Garouste & Bonetti, Eric Jourdan, Jasper Morrison, Pucci de Rossi, Eric Schmitt, Bořek Šípek, Martin Szekely, Gaetano Pesce et Nanda Vigo sont parmi ceux, nombreux, dont les créations sont éditées à l’époque par Pierre Staudenmeyer. Néotù aura une place à part, celle d’un défricheur : nombreuses sont les galeries de design qui ouvriront à sa suite.

 

Quand, en 2002, Staudenmeyer ouvre les portes de Mouvements Modernes au pied de la Place des Victoires à Paris, il n’entend pas qu’elle soit le rejeton de Néotù qui vient de fermer ses portes près du Centre Pompidou, après 17 ans de règne quasi sans partage sur le design d’édition en France. La jeune galerie se veut libre, spécialisée dans les "sources vivantes de l'art contemporain", miroir et réceptacle des idées affutées de son fondateur. Comme une seconde peau, Mouvements Modernes prend forme autour des activités de Staudenmeyer, entre l’écriture d’ouvrages et textes dans une perspective historienne et savante, entre enseignement et conseil… Il exposera des artistes céramistes encore peu connus à l’époque, comme Kristin McKirdy ou Nadia Pasquer, des créateurs de renom comme Konstantin Grcic ou Christian Biecher, et organisera des événements hors les murs notamment au Passage de Retz (Paris), à la Manufacture de Sèvres ou encore au Centre Georges-Pompidou en 2002 avec une exposition de 18 pièces de 11 créateurs de Néotù…

 

Peu après la disparition de Pierre Staudenmeyer, en 2008, Sophie Mainier-Jullerot et Chloé Braunstein-Kriegel reprennent Mouvements Modernes. Tâche ardue s’il en est, car outre le défi qu’elles se lancent à elles-mêmes de perpétuer son héritage intellectuel, elles entendent insuffler à la galerie une identité nouvelle en phase avec l’époque et avec leurs idées. A la fin de l’année 2009, elles se voient confier la publication d’un ouvrage[2] de référence consacré à Pierre Staudenmeyer aux Éditions Norma (Paris), retraçant de manière exhaustive l’apport de ce dernier à l’histoire du design français, des années 1980 aux années 2000. À travers les passions de ce grand découvreur qui sut établir des ponts entre des disciplines en apparence étrangères les unes aux autres, saisir l'importance du contexte économique, politique et social dans la création, et dont la culture libre de préjugés a tissé des liens entre les styles, les époques, les domaines artistiques, cet ouvrage qui fait date, permet de revivre un moment unique de l'histoire du design et des arts décoratifs. Il a contribué à poser les fondations historiques à l’engouement que connaissent aujourd’hui les années 1980.

 

 

En cette fin des années 2000, alors que le paysage du design change, notamment avec l’arrivée de nouvelles galeries de design, Mouvements Modernes se lance sur un secteur dont les frontières avec les autres disciplines sont plus floues que jamais. Les personnalités de Sophie Mainier-Jullerot et de Chloé Braunstein-Kriegel ne sont pas étrangères à l’éclectisme revendiqué de Mouvements Modernes sous leur égide. La première, diplômée de l’École du Louvre, est passée par l’art contemporain au Centre Pompidou puis comme assistante en galerie d’art, avant d’entrer chez Mouvements Modernes auprès de Pierre Staudenmeyer qui formera son regard sur le design et les arts décoratifs ; la seconde, connue dans le monde du design pour ses écrits et ses collaborations avec des créateurs et marques de renom, est une amie proche de Staudenmeyer avec qui elle écrit régulièrement, et partage avec lui un goût prononcé pour la transversalité entre les disciplines. 

 

Pour preuve, tout en perpétuant l’expertise et le goût de leur fondateur pour la céramique, elles entendent apporter un nouveau regard:  d’abord en présentant le travail de jeunes artistes tels les céramistes Matthew Chambers ou Merete Rasmussen… Elles renouent aussi avec l’édition limitée de mobilier et d’objets de haute facture, en témoigne l’exceptionnel Surtout « Louis XXI, Porcelaine Humaine » signé du designer et théoricien Andrea Branzi, qu’elles co-produisent avec la Manufacture de Sèvres. Citons également l’édition de la collection « Traits-d’Union » du designer Eric Benqué dont l’une des pièces reçoit le prix Dialogue de la Fondation Bettencourt-Schueller en 2013, ou encore le travail du designer et historien de l’art et du design Fabien Petiot, dont Mouvements Modernes édite le travail subtil, élégant et habité.

 

Dès la reprise de Mouvements Modernes en 2008, Sophie et Chloé retrouvent le chemin des salons pour montrer à la fois le travail de designers confirmés, et proposer leur vision des talents d’aujourd’hui. La question de la présentation et de l’agencement est au cœur de leurs préoccupations. Ainsi, précurseure en la matière, la galerie s’installe cette même année dans un appartement haussmannien du 8ème arrondissement de Paris afin de valoriser le travail des designers et artistes qu’elle expose et représente, dans un écrin autre que celui de la white box traditionnelle des galeries. La mise en situation des objets et mobilier que Sophie et Chloé proposent, est un atout : des architectes et designers comme Rena Dumas ou Atelier Oï seront séduits par ces dispositifs et viendront, dès 2009, exposer des créations inédites chez Mouvements Modernes.

 

Plus d’une trentaine d’expositions seront organisées en dix ans, et de nombreuses collaborations et partenariats avec des institutions et des galeries seront mises en place… Catalogues et livrets seront également produits, pour rester fidèle à l’esprit de Pierre Staudenmeyer, sur l’importance de transmettre la connaissance et permettre de comprendre les processus à l’œuvre dans le domaine de la création au sens large.

 

En 2017, Sophie Mainier-Jullerot reprend seule les rênes de Mouvements Modernes, Chloé Braunstein-Kriegel souhaitant se consacrer à la recherche, l’écriture, et le commissariat d’expositions.

 

Mouvements Modernes, entame alors un nouveau chapitre de son histoire, celui qui célèbre la maturité, et fête ses 20 ans en 2022 : un âge de papier certes, mais aussi l’âge des possibles ! Le moment choisi pour engager la galerie vers de nouveaux créateurs, dans l’esprit de l’époque Néotù, dont la production reste encore peu connue (et reconnue) sur le marché de l’art et du design. C’est toujours avec cette même envie de faire se rencontrer les époques, les usages et les styles, que Sophie Mainier-Jullerot défend sa vision du design et des arts décoratifs née auprès de Pierre Staudenmeyer. Pleinement engagée dans sa passion, elle s’attache à susciter l’intérêt par ses choix de lieux, de la galerie classique à l’appartement insolite, afin de susciter chez les collectionneurs un désir d’expériences esthétiques nouvelles.

 

C’est dans un salon de musique de chambre du XIXème siècle du célèbre manufacturier Erard que Sophie, avec la complicité de l’architecte Alireza Razavi, réunit une quarantaine de pièces iconiques des années 1984 à 2022. Meubles de collection, œuvres de céramique et de verre seront rassemblés dans cette architecture théâtrale pour offrir le riche paysage de ces deux dernières décennies, laissant deviner un futur curieux, innovant et audacieux.

 

 

Chloé Braunstein-Kriegel and Sophie Mainier-Jullerot

pour Mouvements Modernes, 10/2022

 

[1]  Carole Boulbès – Art Press n°364 (février 2010)

 

 

[2] Les Années Staudenmeyer. 25 ans de design en France. Sous la direction de Chloé Braunstein-Kriegel, Éditions Norma (2009), Paris